Aphasies



Ce sont les troubles de la parole dus à des lésions, situées dans les régions du cerveau qui, depuis Meynert, sont appelées système de projection.
N'est pas de l'aphasie le trouble de la parole qui relève, soit des muscles articulateurs paralysés, soit de l'altération des masses grises, subcorticales, soit des lésions des nerfs périphériques, soit de l'altération de l'intelligence.
L'aphasie est la déperdition de la mémoire des signes au moyen desquels l'homme civilisé échange ses idées avec ses semblables
(Déjerine).

Or, cet échange des idées suppose deux actes :
1. Comprendre les idées.
2. Exprimer les idées.
Pour comprendre les idées, il faut et il est nécessaire qu'elles viennent sous forme d'images, visuelles, auditives, tactiles, se collecter en des points du cerveau.
Pour exprimer les idées, qu'éveillent et que suscitent les images, il faut et il est nécessaire qu'un centre du cerveau soit préposé à leur extériorisation par la parole, l'écriture, la mimique.
 Ces points, ces centres, constituent la zone du langage, au niveau de la corticalité.
Il n'y a que 3 centres d'images du langage.
  •  Centre des images auditives des mots (zone de Wernicke), partie postérieure des 1er  et 2e circonvolutions temporales gauches.
  •  Centre des images visuelles des mots (centre de Déjerine), pli courbe gauche.
  •  Centre des images motrices d'articulation (zone de Broca), pied de la troisième frontale gauche.

Telle est, sur la corticalité, la zone du langage.

Au-dessous de l'écorce, une série de fibres réunissent les points de cette zone soit entre eux, soit avec les parties voisines de la corticalité cérébrale, c'est-à-dire que chacun des centres est en rapport avec la zone générale de la corticalité correspondante, constituant ainsi 3 nouveaux centres.
1. Le centre des images auditives verbales qui siège à la partie postérieure de la zone temporale est en rapport en arrière avec le centre de la fonction auditive générale : il est bilatéral.

2. Le centre des images visuelles verbales qui siège dans le pli courbe est en contact avec le centre, de la vision générale du côté correspondant qui occupe le cuneus, les lobules lingual et fusiforme : il est bilatéral.

3. Le centre des images motrices d'articulation qui siège dans le pied de la 3° circonvolution frontale est en rapport immédiat avec la zone sensitivomotrice et plus spécialement avec cette partie de la corticalité qui innerve (opercule rolandique) l'appareil phonateur (hypoglosse, facial inférieur).
traitement d'aphasie

A. Centre des images auditives des mots ; surdité verbale.
B. Centre des images motrices d'articulation: aphasie.
Pc. Centre des images visuelles des mots; cécité verbale.


Toutes lésions portant sur le centre des images auditives et visuelles empêcheront ou troubleront la compréhension : ce sont les aphasies sensorielles, de réception.
Toutes lésions portant sur les centres des images motrices d'articulation empêcheront ou troubleront l'expression et l'extériorisation des idées : ce : sont les aphasies motrices, de transmission.

Or, cette zone du langage peut être atteinte de deux façons :
1° La lésion détruit une partie de cette zone ou des fibres sous jacentes.
2° La lésion isole une partie de cette zone de la corticalité voisine.

Premier groupe.
— Destruction directe de la zone du langage.
— Un centre d'images est perdu pour le malade, Toutes les modalités du langage sont affectées.
Aphasies sensorielles
a) Si centre de Wernicke (destruction de la 1° temporale), surdité verbale,
b) Si centre de Déjerine (destruction du pli courbe), cécité verbale.
Aphasie motrice :
Si centre de Broca (destruction du pied de la 3° frontale), aphasie.
Deuxième groupe.
   Destruction en dehors de la zone du langage.
   Un centre d'images est maintenant isolé, séparé, coupé de ses connexions physiologiques. Une seule modalité du langage est troublée.
a) Si lésion isole zone de Wernicke des zones d'images auditives communes : surdité verbale pure.
b) Si lésion isole centre de Déjerine des zones d'images visuelles communes : cécité verbale pure.
c) Si lésion isole zone de Broca des zones d'images motrices communes: aphasie motrice pure.




Etiologie.

 — Les causes sont multiples. Toute lésion portant sur la zone du langage ou sur ses connexions donnera naissance à une des variétés d'aphasie.
1. Traumatismes. Tumeurs cérébrales ; pachyméningites. Ramollissements par embolie, par thrombose. Hémorragie cérébrale, assez rare à la corticalité.
2. Infections et toxi-infections aiguës et chroniques, génératrices d'artérites encéphaliques, d'embolies, de thromboses. Grippe.
Pneumonie. Variole. Fièvre typhoïde. Blennorragie. Syphilis.
3. Intoxications, empoisonnements. Alcoolisme. Belladone. Auto-intoxications. Dilatation de l'estomac.
4. Toutes les causes de sclérose et d'artérite cérébrale (sénilité,
poli-multiplicité des causes).
5. Névroses. Hystérie. Épilepsie.

TRAITEMENT DES APHASIES

Les indications sont pathogéniques, anatomiques, symptomatiques.

1.    Pathogéniques et étiologiques.

 — Elles s'adressent aux causes énumérées et comprennent les médications anti-infectieuse, anti-toxique, anti-diathésique, toutes ces médications s'adressant aux facteurs morbifiques, exogènes ou endogènes, de l'espèce nosologique dont l'aphasie est le symptôme.

2. Anatomiques.

 — Elles s'adressent à la lésion, ramollissement, artérite, hémorragie, tumeur,...

3.    Symptomatiques

— Elles n'ont en vue que l’aphasie.
Il faut être convaincu que l'aphasie peut guérir. C'est la seule justification d'un traitement.
Sans doute, en matière de neuropathologie, les médications causales, anatomiques, démontrent, le plus souvent, notre impuissance et nous ne pouvons pas plus guérir l'hémorragie cérébrale capsulaire que la tuberculose méningée : la seule nature, en quelques cas, fait les frais d'une amélioration, le plus souvent partielle.
En matière d'aphasie, il est des faits indiscutables de guérison; un est célèbre, c'est celui de l'illustre montpelliérain, Lordat.
Il y a donc, comme le dit Grasset, qui, le premier, a réuni les éléments épars de ce traitement symptomatique de l'aphasie (Traité de Robin), un traitement physiologique des aphasies.
Deux processus sont seuls possibles, au cas de guérison:
1. Ou bien, la lésion superficielle, incomplète, guérit.
2. Ou bien, une suppléance s'est établie.

SURDITÉ VERBALE


Clinique.

   Le sujet ne comprend pas les mots parlés, mais bien les mots lus ; il parle et écrit volontairement ; ne répète pas les mots parlés, mais lit à haute voix; n'écrit pas sous la dictée, mais copie.

Éducation thérapeutique.

 — Il entend des sons : il ne les comprend pas. Reprendre l'alphabet, en montrant une lettre, l'épeler à haute voix ; en faire autant pour les mots écrits ou imprimés.
C'est le centre A qui est atteint: il faut, en raison des connexions et des rapports de A avec Pc et B, inciter Pc et B en même temps que A. Il existe, en effet, une association sensorio-motrice, telle que l'excitation d'un centre quelconque, B par exemple, conduit à une excitation semblable du centré Pc ou du centre A. On mettra à profit cette constatation.
Au bout d'un certain temps, le malade par le centre Pc seul pourra évoquer le mot, ou par le centre B, petit à petit, en le voyant, en le lisant, en l'articulant, il retrouvera son centre A qui était perdu.
On fera écrire le malade sous la dictée, en lui faisant répéter, avec B et Pc tout ce qu'il doit écrire. Pc et B suppléeront le centre A et celui-ci, incité, finira par reparaître.

CÉCITÉ VERBALE


Clinique.

 — Le sujet comprend les mots parlés, mais non les mots lus ; il parle et écrit volontairement ; il répète le mot parlé, mais non le mot lu; écrit sous la dictée, mais ne peut pas copier.

Éducation thérapeutique.

aphasie
 —Le malade voit des signes, des lettres, des groupements de .signes qui sont des mots, des groupements de mots qui sont des phrases ; il a perdu la signification des signes, des lettres et par conséquent des mots et des phrases.
Apprendre à lire, c'est-à-dire le sens des signes, des lettres, des groupements de signes, des mots, sur le papier écrit ou imprimé.
C'est Pc qui est atteint : il faut venir au secours de Pc par A et par B, qui sont supposés intacts.
Ainsi, s'il suit avec une pointe, un stylet, la lettre, le signe, ce mouvement incite le centre B et l'image motrice apparaît : cette apparition actionne Pc et le malade comprend la signification de la-lettre et peut lire.
On lui fera exécuter, avec la main ou les doigts, les mouvements nécessaires pour écrire : à ce prix, grâce à B, il comprendra.
On utilisera aussi le centre A : on montre une lettre, on épelle à haute voix, on incite le centre A et, celui-ci, à son tour, réagissant sur Pc, l'image visuelle du mot apparaît.
Cependant, c'est surtout par l'incitation de B, soit par les mouvements de l'écriture, soit par le toucher au relief, qu'on obtiendra une amélioration rapide.

APHASIE MOTRICE


Clinique.

 — Le sujet comprend les mots parlés et les mots lus ; mais il ne parle pas volontairement.

Éducation thérapeutique.

surdité verbale
C'est B qui est lésé. Par l'incitation des centres A et Pc, c'est-à-dire, par l'ouïe et la vue, il faut réapprendre à parler. On fera ce qu'on fait pour l'enfant : on articulera les sons, puis les lettres, puis les mots; on fait répéter.
On montrera les lettres, les objets, puis les mots : on fait répéter. On le fait épeler, puis résumer son mot progressivement, il arrive à résumer sa phrase.
On s'aidera de l'écriture : on le fera épeler, en même temps que, recopier
S'il a surtout de l'agraphie, on lui réapprendra à écrire : il copiera des barres, des lettres, des mots ; en même temps, il les épellera, les dira à haute voix...
Or, l'expérience démontre qu'il y a souvent prédominance des images mémorielles, suivant les sujets. Les uns sont des auditifs, c'est-à-dire qu'ils évoquent très facilement leurs images auditives, les autres des visueIs.

Dans l'aphasie motrice, on fera porter les efforts sur les images qui sont plus spontanément évoquées.